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Voyages en France mais aussi et surtout ailleurs, loin.

La guerre empêchera McCain d'être président

Selon le chroniqueur Jeff Danziger, qui apprécie beaucoup John McCain, ce dernier "est coincé dans un Parti républicain qui a été torpillé par la guerre de Bush".

Quand John McCain a brigué la présidence, en 2000, je me suis rendu dans le New Hampshire pour le voir s'adresser à la population. Les électeurs du New Hampshire sont conscients de leurs droits, et la primaire de cet Etat permet de juger de la maîtrise de soi et de la patience d'un candidat. Comme c'est la première primaire, les candidats commettent parfois des erreurs. Ils ne sont pas encore vraiment dans la course, et ne parviennent pas à contrôler leur exaspération face à la même série de questions idiotes qui revient sans cesse.

A la Peterborough Academy, j'ai vu McCain, debout sur l'estrade dressée au centre d'un gymnase, prononcer un discours puis inviter l'assistance à lui poser des questions. Son équipe était près de lui pour s'assurer que tout se passe bien. Une femme s'est levée et a fini par attirer son attention. Elle était grande et forte, le genre de femme qui aurait pu être attrayante si elle avait eu un peu d'argent. Mais il était évident qu'elle n'en avait pas. Ses cheveux étaient longs, mal entretenus, et ses vêtements bon marché montraient des signes d'usure après un hiver rigoureux. Elle était ce que l'on appelle parfois en Nouvelle-Angleterre une "ratée" – quelqu'un qui ne peut rien espérer de mieux que de gagner au loto. Elle a commencé par poser une question sur les allocations sociales, puis s'est engagée dans une digression maladroite sur ses problèmes personnels : son manque de chance avec ses maris, ses difficultés à trouver un logement décent, les handicaps et les maladies de ses enfants… elle n'en finissait pas. L'auditoire, gêné, commençait à s'agiter. A l'évidence, cette femme n'était pas très futée. En quoi ses problèmes avaient-ils quelque chose à voir avec la politique présidentielle ? Ses divagations devenaient gênantes.

Cependant, McCain a écouté jusqu'au bout sans jamais manifester d'impatience. Il n'a pas tenté d'interrompre ou d'abréger son intervention. Les membres de son équipe regardaient leur montre et levaient les yeux au ciel. Quand elle a fini par se taire, il lui a dit qu'il était désolé pour sa malchance et qu'il allait voir ce qu'il pouvait faire pour l'aider. Bien sûr, il ne pouvait pratiquement rien faire pour elle, mais, à vrai dire, elle ne voulait ni même n'espérait aucune aide. Elle souhaitait simplement qu'on l'écoute.

Ce jour-là, je suis devenu pro-McCain et, ultérieurement, quand il a été disqualifié et écrasé par la bande de Bush, j'ai décidé que je serais toujours pour lui. Et que je ne pardonnerais jamais à Bush. Mais aujourd'hui, Bush l'a encore détruit. La guerre empêchera McCain d'accéder à la présidence. Il est coincé dans un parti qui a été torpillé par Bush. Pour empêcher les républicains de l'abandonner, il est contraint de prétendre que la guerre peut être gagnée et qu'elle va l'être. Près de 70 % des Américains ne sont pas de cet avis. Et même ses plus ardents partisans, dont moi-même, commencent à se poser des questions.

L'un des plus célèbres poèmes de guerre, La Charge de la brigade légère, d'Alfred Tennyson, se réfère à une bataille livrée par l'armée britannique pendant la guerre de Crimée, au milieu du XIXe siècle. Sous les ordres de leurs officiers, les soldats s'engagèrent dans une action désespérée, quasi suicidaire, contre les Russes. Ils chargèrent, certains à cheval, d'autres à pied, contre les batteries de canon ennemies et furent taillés en pièces. Le poème, qui a été censuré par l'armée, est centré sur l'idée que les officiers étaient des crétins de la classe supérieure qui avaient acheté leurs galons et n'avaient jamais livré bataille de leur vie. Quiconque a fait la guerre et a été sur le terrain sait que, dans la confusion qui suit le premier tir, on est gagné par un sentiment d'indécision et de panique.

Je me disais que la différence entre Bush et McCain était que Bush n'avait jamais fait la guerre et que cela expliquait pourquoi il avait pu donner l'ordre stupide d'envahir l'Irak. McCain, qui a servi au Vietnam et a été fait prisonnier, aurait été mieux informé. Aujourd'hui, il défend les ordres stupides et semble même préconiser d'engager plus de moyens dans la guerre.

Mais, récemment, au cours d'une conversation, quelqu'un m'a corrigé. McCain n'était pas un soldat, mais un pilote de chasse. Il bombardait un pays qui n'avait pas de chasseurs pour riposter. Il larguait des bombes sur les gens, en majorité des civils, à 5 000 mètres d'altitude. Son appareil ultrasophistiqué a été abattu par un pays du tiers-monde. McCain est resté prisonnier pendant cinq ans, mais il a eu la chance de ne pas être mis en pièces.

Dieu existe peut-être. Peut-être n'aime-t-il pas ceux qui larguent des bombes sur des gens. Et peut-être les punit-il en leur envoyant George Bush.

 16 avr. 2008 

La guerre empêchera McCain d'être président 

Selon le chroniqueur Jeff Danziger, qui apprécie beaucoup John McCain, ce dernier "est coincé dans un Parti républicain qui a été torpillé par la guerre de Bush".

Quand John McCain a brigué la présidence, en 2000, je me suis rendu dans le New Hampshire pour le voir s'adresser à la population. Les électeurs du New Hampshire sont conscients de leurs droits, et la primaire de cet Etat permet de juger de la maîtrise de soi et de la patience d'un candidat. Comme c'est la première primaire, les candidats commettent parfois des erreurs. Ils ne sont pas encore vraiment dans la course, et ne parviennent pas à contrôler leur exaspération face à la même série de questions idiotes qui revient sans cesse.

A la Peterborough Academy, j'ai vu McCain, debout sur l'estrade dressée au centre d'un gymnase, prononcer un discours puis inviter l'assistance à lui poser des questions. Son équipe était près de lui pour s'assurer que tout se passe bien. Une femme s'est levée et a fini par attirer son attention. Elle était grande et forte, le genre de femme qui aurait pu être attrayante si elle avait eu un peu d'argent. Mais il était évident qu'elle n'en avait pas. Ses cheveux étaient longs, mal entretenus, et ses vêtements bon marché montraient des signes d'usure après un hiver rigoureux. Elle était ce que l'on appelle parfois en Nouvelle-Angleterre une "ratée" – quelqu'un qui ne peut rien espérer de mieux que de gagner au loto. Elle a commencé par poser une question sur les allocations sociales, puis s'est engagée dans une digression maladroite sur ses problèmes personnels : son manque de chance avec ses maris, ses difficultés à trouver un logement décent, les handicaps et les maladies de ses enfants… elle n'en finissait pas. L'auditoire, gêné, commençait à s'agiter. A l'évidence, cette femme n'était pas très futée. En quoi ses problèmes avaient-ils quelque chose à voir avec la politique présidentielle ? Ses divagations devenaient gênantes.

Cependant, McCain a écouté jusqu'au bout sans jamais manifester d'impatience. Il n'a pas tenté d'interrompre ou d'abréger son intervention. Les membres de son équipe regardaient leur montre et levaient les yeux au ciel. Quand elle a fini par se taire, il lui a dit qu'il était désolé pour sa malchance et qu'il allait voir ce qu'il pouvait faire pour l'aider. Bien sûr, il ne pouvait pratiquement rien faire pour elle, mais, à vrai dire, elle ne voulait ni même n'espérait aucune aide. Elle souhaitait simplement qu'on l'écoute.

Ce jour-là, je suis devenu pro-McCain et, ultérieurement, quand il a été disqualifié et écrasé par la bande de Bush, j'ai décidé que je serais toujours pour lui. Et que je ne pardonnerais jamais à Bush. Mais aujourd'hui, Bush l'a encore détruit. La guerre empêchera McCain d'accéder à la présidence. Il est coincé dans un parti qui a été torpillé par Bush. Pour empêcher les républicains de l'abandonner, il est contraint de prétendre que la guerre peut être gagnée et qu'elle va l'être. Près de 70 % des Américains ne sont pas de cet avis. Et même ses plus ardents partisans, dont moi-même, commencent à se poser des questions.

L'un des plus célèbres poèmes de guerre, La Charge de la brigade légère, d'Alfred Tennyson, se réfère à une bataille livrée par l'armée britannique pendant la guerre de Crimée, au milieu du XIXe siècle. Sous les ordres de leurs officiers, les soldats s'engagèrent dans une action désespérée, quasi suicidaire, contre les Russes. Ils chargèrent, certains à cheval, d'autres à pied, contre les batteries de canon ennemies et furent taillés en pièces. Le poème, qui a été censuré par l'armée, est centré sur l'idée que les officiers étaient des crétins de la classe supérieure qui avaient acheté leurs galons et n'avaient jamais livré bataille de leur vie. Quiconque a fait la guerre et a été sur le terrain sait que, dans la confusion qui suit le premier tir, on est gagné par un sentiment d'indécision et de panique.

Je me disais que la différence entre Bush et McCain était que Bush n'avait jamais fait la guerre et que cela expliquait pourquoi il avait pu donner l'ordre stupide d'envahir l'Irak. McCain, qui a servi au Vietnam et a été fait prisonnier, aurait été mieux informé. Aujourd'hui, il défend les ordres stupides et semble même préconiser d'engager plus de moyens dans la guerre.

Mais, récemment, au cours d'une conversation, quelqu'un m'a corrigé. McCain n'était pas un soldat, mais un pilote de chasse. Il bombardait un pays qui n'avait pas de chasseurs pour riposter. Il larguait des bombes sur les gens, en majorité des civils, à 5 000 mètres d'altitude. Son appareil ultrasophistiqué a été abattu par un pays du tiers-monde. McCain est resté prisonnier pendant cinq ans, mais il a eu la chance de ne pas être mis en pièces.

Dieu existe peut-être. Peut-être n'aime-t-il pas ceux qui larguent des bombes sur des gens. Et peut-être les punit-il en leur envoyant George Bush.

 16 avr. 2008 

La guerre empêchera McCain d'être président 

Selon le chroniqueur Jeff Danziger, qui apprécie beaucoup John McCain, ce dernier "est coincé dans un Parti républicain qui a été torpillé par la guerre de Bush".

Quand John McCain a brigué la présidence, en 2000, je me suis rendu dans le New Hampshire pour le voir s'adresser à la population. Les électeurs du New Hampshire sont conscients de leurs droits, et la primaire de cet Etat permet de juger de la maîtrise de soi et de la patience d'un candidat. Comme c'est la première primaire, les candidats commettent parfois des erreurs. Ils ne sont pas encore vraiment dans la course, et ne parviennent pas à contrôler leur exaspération face à la même série de questions idiotes qui revient sans cesse.

A la Peterborough Academy, j'ai vu McCain, debout sur l'estrade dressée au centre d'un gymnase, prononcer un discours puis inviter l'assistance à lui poser des questions. Son équipe était près de lui pour s'assurer que tout se passe bien. Une femme s'est levée et a fini par attirer son attention. Elle était grande et forte, le genre de femme qui aurait pu être attrayante si elle avait eu un peu d'argent. Mais il était évident qu'elle n'en avait pas. Ses cheveux étaient longs, mal entretenus, et ses vêtements bon marché montraient des signes d'usure après un hiver rigoureux. Elle était ce que l'on appelle parfois en Nouvelle-Angleterre une "ratée" – quelqu'un qui ne peut rien espérer de mieux que de gagner au loto. Elle a commencé par poser une question sur les allocations sociales, puis s'est engagée dans une digression maladroite sur ses problèmes personnels : son manque de chance avec ses maris, ses difficultés à trouver un logement décent, les handicaps et les maladies de ses enfants… elle n'en finissait pas. L'auditoire, gêné, commençait à s'agiter. A l'évidence, cette femme n'était pas très futée. En quoi ses problèmes avaient-ils quelque chose à voir avec la politique présidentielle ? Ses divagations devenaient gênantes.

Cependant, McCain a écouté jusqu'au bout sans jamais manifester d'impatience. Il n'a pas tenté d'interrompre ou d'abréger son intervention. Les membres de son équipe regardaient leur montre et levaient les yeux au ciel. Quand elle a fini par se taire, il lui a dit qu'il était désolé pour sa malchance et qu'il allait voir ce qu'il pouvait faire pour l'aider. Bien sûr, il ne pouvait pratiquement rien faire pour elle, mais, à vrai dire, elle ne voulait ni même n'espérait aucune aide. Elle souhaitait simplement qu'on l'écoute.

Ce jour-là, je suis devenu pro-McCain et, ultérieurement, quand il a été disqualifié et écrasé par la bande de Bush, j'ai décidé que je serais toujours pour lui. Et que je ne pardonnerais jamais à Bush. Mais aujourd'hui, Bush l'a encore détruit. La guerre empêchera McCain d'accéder à la présidence. Il est coincé dans un parti qui a été torpillé par Bush. Pour empêcher les républicains de l'abandonner, il est contraint de prétendre que la guerre peut être gagnée et qu'elle va l'être. Près de 70 % des Américains ne sont pas de cet avis. Et même ses plus ardents partisans, dont moi-même, commencent à se poser des questions.

L'un des plus célèbres poèmes de guerre, La Charge de la brigade légère, d'Alfred Tennyson, se réfère à une bataille livrée par l'armée britannique pendant la guerre de Crimée, au milieu du XIXe siècle. Sous les ordres de leurs officiers, les soldats s'engagèrent dans une action désespérée, quasi suicidaire, contre les Russes. Ils chargèrent, certains à cheval, d'autres à pied, contre les batteries de canon ennemies et furent taillés en pièces. Le poème, qui a été censuré par l'armée, est centré sur l'idée que les officiers étaient des crétins de la classe supérieure qui avaient acheté leurs galons et n'avaient jamais livré bataille de leur vie. Quiconque a fait la guerre et a été sur le terrain sait que, dans la confusion qui suit le premier tir, on est gagné par un sentiment d'indécision et de panique.

Je me disais que la différence entre Bush et McCain était que Bush n'avait jamais fait la guerre et que cela expliquait pourquoi il avait pu donner l'ordre stupide d'envahir l'Irak. McCain, qui a servi au Vietnam et a été fait prisonnier, aurait été mieux informé. Aujourd'hui, il défend les ordres stupides et semble même préconiser d'engager plus de moyens dans la guerre.

Mais, récemment, au cours d'une conversation, quelqu'un m'a corrigé. McCain n'était pas un soldat, mais un pilote de chasse. Il bombardait un pays qui n'avait pas de chasseurs pour riposter. Il larguait des bombes sur les gens, en majorité des civils, à 5 000 mètres d'altitude. Son appareil ultrasophistiqué a été abattu par un pays du tiers-monde. McCain est resté prisonnier pendant cinq ans, mais il a eu la chance de ne pas être mis en pièces.

Dieu existe peut-être. Peut-être n'aime-t-il pas ceux qui larguent des bombes sur des gens. Et peut-être les punit-il en leur envoyant George Bush.

Paru dans Courrier international le 16 avril 2008

 

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