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Voyages en France mais aussi et surtout ailleurs, loin.

Un calcul écologique très illusoire

En s’appuyant sur les chiffres de la FAO, le sociologue argentin Atilio A. Boron démontre que la production de biocombustibles réserve de bien mauvaises surprises.

Les défenseurs enthousiastes des biocarburants prétendent que leur production n’affectera en aucun cas l’alimentation de ceux qui les produiront. C’est en tout cas ce qu’ont affirmé les présidents Bush et Lula au moment de concrétiser leur alliance énergétique. Mais, si l’on examine les données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) concernant les surfaces agricoles et la consommation de fertilisants dans le monde, la réalité semble bien différente.

 

Dans les pays développés, la superficie agricole par personne est en moyenne deux fois plus élevée que dans les pays sous-développés. On compte en effet 1,36 hectare par personne dans le Nord, contre 0,67 dans le Sud. Cela s’explique par le simple fait que les pays du Sud concentrent 80 % de la population mondiale. Il existe évidemment d’importantes variations selon les pays. Ainsi, en Amérique latine, l’Argentine, la Bolivie et l’Uruguay se situent bien au-dessus de la moyenne des pays développés, tandis que le Brésil est légèrement au-dessous. Il est donc évident que le Brésil devra utiliser ses immenses étendues de forêt pour répondre à la nouvelle donne énergétique ; il est tout aussi évident que la destruction de la forêt amazonienne entraînera un désastre écologique qui affectera l’ensemble de l’humanité.

Les chiffres concernant la Chine et l’Inde méritent également que l’on s’y arrête, car ces deux pays représentent près du quart de la population de la planète. Avec respectivement 0,44 hectare et 0,18 hectare de surfaces agricoles par habitant, l’expansion de ces deux colosses économiques et de leur demande en aliments va intensifier extraordinairement la pression sur les pays capables d’en produire, et l’on imagine la tension qui pourrait en résulter lorsqu’il s’agira d’assigner des terres à la production d’aliments ou à celle de biocarburant. Enfin, si l’on observe les Caraïbes, on peut facilement avoir une idée de ce qui attend le reste du continent. Les petits pays antillais qui se sont traditionnellement consacrés à la monoculture de la canne à sucre sont les mêmes qui utilisent le plus de fertilisants par hectare (109 kg en moyenne, contre 84 kg dans les pays développés). Or qui dit fertilisant dit consommation de pétrole. Dans ces conditions, vanter la production d’agrocarburants pour réduire la consommation d’hydrocarbures semble plus illusoire que réelle.  

 

Atilio A. Boron, América Latina en Movimiento, paru dans Courrier international, hebdo n°964, 24 mai 2007

 

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